Le Palacret : On y vient à pied, mais "ce n'est pas la maison bleue !"

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Date de l'évènement: 
Mercredi, 5 Octobre, 2016

Mercredi 5 octobre (2016), Yvon Le Moigne, le maire de Squiffiec a accueilli l'un des derniers conseils communautaires du Pays de Bégard avant la prochaine mise en route de la réforme territoriale. Présidé par Vincent Clec'h, ce conseil communautaire avait pour objet essentiel de statuer ...

... sur la dimension à donner au site du Palacret et sur le plan d'action consécutif. Les autres points : Déclassement du bâtiment de l'Atelier Relais de la ZA de la Croix Blanche à Squiffiec, qui passe du domaine communautaire au domaine privé en vue de sa vente définitive, l'établissement de l'acte de vente, au prix de 11.839,44€ et au profit de la CdC(1) pour des terrains situés sur la commune de Trégonneau et appartenant à  M. et Mme Coatentiec en compensation de zones humides de Coat Yen et la modification des statuts du PETR (Pôle d'Equilibre Territorial et Rural) du Pays de Guingamp pour cause de changement d'adresse de son siège ont été votés à l'unanimité [vote] des élus présents ou représentés, soit vingt-quatre.

Le Palacret – "Il faut finaliser ce projet !"

"Fin 2014, le 17 décembre, lors d'un conseil communautaire qui s'est déroulé à Kermoroc'h (NDLR : Voir article ICI) nous avions délibéré unanimement sur les objectifs qu'il fallait atteindre sur le Palacret en votant pour le projet du "Carrefour Citoyen", eu égard aux nombreux investissements faits, quoique très bien financés par les subventions, et il fallait vraiment finaliser ce projet. La commande passée au cabinet a donc été claire : Préserver les valeurs d'éducation populaire mais donner au site une dimension économique et touristique" reformule Vincent Clec'h, après que ledit cabinet – L'Atelier de L'Hermine – ait exposé les scénarii élaborés depuis et les enveloppes financières qui s'y rapportent.

Quels sont les scénarii pour le Palacret ?

Ils sont au nombre de trois, déclinés par ordre croissant d'ambition. Le premier, présente Jérémie Evangelista, le créateur de l'Atelier de l'Hermine", secondé par Claire Jusseau, urbaniste, "est une offre de base, s'adressant aux locaux, promeneurs et touristes de proximité pour un investissement minimal". Le second, dit scénario "médian", prévoit un équipement touristique et culturel tourné vers les locaux et les extérieurs. "Il cherche un équilibre entre une expérience de visite innovante, actuelle et pédagogique et un coût de fonctionnement raisonnable". Le troisième scénario, dit "optimal", propose un équipement "très attractif pour les touristes et identitaire pour les locaux. C'est un outil d'éducation à l'environnement pour les écoles du territoire, avec un rayonnement départemental".

Le scénario 3 est donc le plus ambitieux ! Et le plus coûteux ! Ainsi, toujours selon les consultants, l'investissement requis (tout inclus), du premier scénario au troisième est de 301.200€, 470.740€ et 561.980€. Avec les subventions, l'autofinancement de la CdC(1) serait de 90.360€ dans le premier cas, de 141.222€ dans le deuxième et de 168.594€ pour le dernier.

Ce qui serait proposé sur le site, selon le scénario, c'est une offre de services – espace jeux, accueil (information, billetterie, boutique), espace pique-nique, espace détente (café, livres, jeux) – une offre de promenades et de randonnées invitant le public vers un autre espace de médiation indirecte(3) comprenant le musée du lin (espace sous douane(2)), le sentier d'interprétation (5 à 7 stations) et des expositions temporaires. Ce dispositif serait complété de médiations directes(4) telles que visites guidées, animations thématiques et évènements ponctuels.

Pour faire marcher cela, le fonctionnement doit être renforcé et professionnalisé. Selon les scénarii, du premier au troisième, les coûts de fonctionnement seraient de 38.178€ (112.909€ de dépenses pour 77.731€ de recettes), 23.054€ (156.909€ de dépenses pour 133.855€ de recettes) et de 15.679€ (173.909€ de dépenses pour 158.230€ de recettes). Sachant, comme le rappellera plus tard dans la séance le président Clec'h, que le fonctionnement coûte actuellement et annuellement 52.000€ à la collectivité, dans le premier cas, l'économie sur le fonctionnement de la structure serait de 14.491€, de 29.615€ pour le deuxième scénario et de 36.990€ pour le troisième, ces économies étant mesurées par rapport au coût actuel.

Il faut que la population s'approprie le site

"Effectivement, cela fait de l'argent et on a essayé de rencontrer un maximum de financeurs pour réduire le coût, résume le président, mais l'auto financement est supportable pour la CdC(1)". Pour lui, ce qui pose essentiellement problème, c'est le fonctionnement, "et ce qui a été présenté, notamment le scénario 3 répond à la commande du projet tel que voté en décembre 2014. Cela donne une dimension économique et touristique au site ; Cela permet de valoriser toutes les ressources et les valeurs du collectif d'associations qui œuvrent pour le site ; Cela permet de l'ouvrir à la population locale avec des lieux de convivialité, des jeux, des balades, le musée et de compléter leur visite avec le sentier d'interprétation" poursuit Vincent Clec'h qui conclut, pour sa part et sur ce point : "Si l'on n'a pas un projet pour le Palacret, qu'est-ce qu'on fait ? Ce sont de beaux bâtiments et il faut faire fonctionner cela. Cela nous coûte 52.000€ par an en fonctionnement en tenant compte des 18.000€ de recettes et nous ne nous sommes pas allés au bout ! Il faut finaliser ce projet et c'est à nous de prendre les décisions, sans attendre la prochaine intercommunalité. Il faut que la population locale s'approprie le site. C'est son patrimoine et cela lui appartient".

Les débats…

Jean-Luc Picaud, le maire de Trégonneau, déclare avoir présenté le projet "le plus honnêtement possible" à son conseil municipal et l'avoir mis aux votes à bulletins secrets - "je ne voulais pas qu'il y ait d'influence car je sais que chez nous, l'ambiance est plutôt défavorable au truc" – et annonce qu'à part une abstention, tous les élus de Squiffiec sont contre, "et j'ai promis que je ne voterai ici que le reflet de ce qu'aura voté mon conseil municipal". "Personne ne croit aux scénarii présentés, personne ne croit qu'il y aura 30.000 visiteurs et quelques commentaires étaient plutôt désagréables" explique le maire pour répondre à une question posée sur ce qui a motivé ce rejet quasi global.

Marie-Yannick Prigent, la maire de Kermoroc'h, intervient ensuite : "A Kermoroc'h, c'est la même chose. On ne l'a pas présenté au Conseil, mais aux élus. On a fait une visite, mais les réactions sont plutôt défavorables et les questions ont été : pourquoi investir tant d'argent, pourquoi ça ne reste pas comme cela… ça fonctionne comme ça, pourquoi ça ne continuerait pas comme ça…".

"Pour moi, on a construit les wagons et maintenant il manque la locomotive pour faire avancer le train, déclare Hervé Le Gall, le président de l'Office de Tourisme, et il est nécessaire d'aller plus loin". Il cite le nombre de 80.000 à 100.000 visiteurs qui passent tous les ans, "mais qui ne restent pas ! Aussi plus on aura d'équipements et plus les gens seront tentés de rester sur le territoire, ce qui fera marcher les commerces, les hébergeurs".

Annie Le Gall, la maire de Saint-Laurent, s'interroge sur le dimensionnement des parkings… avant d'annoncer avoir parlé du projet avec ses élus, "et tout le monde est contre et moi qui connait bien le Palacret pour y avoir travaillé, j'y suis maintenant malvenue comme toute la population ! Donc les locaux boudent le Palacret et ce n'est pas en investissant de grosses sommes comme cela que vous allez les attirer".  Pour elle, il n'y a pas priorité, eu égard aux contraintes budgétaires imposées aux collectivités territoriales. Vincent Clec'h modère quelque peu les propos de la maire quant à la fréquentation : "Rien qu'au mois de juin, sur les animations, il y a plus de 1.500 personnes à venir alors qu'en 2015, sur l'année, on a eu 1.700 visiteurs".

Jean-Paul Le Goff, le maire de Pédernec reconnait que d'importants investissements ont été fait au Palacret, "mais le fonctionnement n'est pas satisfaisant et on ne peut pas continuer avec ce fonctionnement". En revanche, dans la cadre de la prochaine intercommunalité étendue, il est très positif : "Pour valoriser ces biens-là, on aura d'autres moyens qui pourront nous propulser car au niveau du tourisme on est avec Paimpol, qui sait faire et qui est capable de vendre ce type de produit-là".

Le conseil municipal de Squiffiec, interpellé sur le sujet, est lui aussi défavorable annonce Yvon Le Moigne qui a pris le soin d'en résumer par écrit les raisons. "En préambule, les membres du conseil ont parfaitement appréhendé la démarche du président qui, par cette proposition, entend "booster" économiquement le site. C'est louable, courageux et légitime" lance-t-il. Faute de retours sur investissements, selon les élus de Squiffiec et le "reporting" du maire, "l'image faite à ce site devient un handicap car il est associé à une notion de gaspillage d'argent public […] L'opinion publique s'irrite de cette insistance à poursuivre sur une voie qualifiée de dépensière". Par ailleurs, et toujours selon le maire de Squiffiec, voire de ses élus, "ce site souffre d'un déficit de notoriété qui réduit son potentiel d'attractivité […] et si le Palacret est perçu prioritairement comme un beau site naturel, il n'est pas identifié comme un espace offrant des activités payantes, surtout dans un contexte de réduction du pouvoir d'achat des familles". Enfin, termine le maire de Squiffiec, "au-delà de l'investissement, s'inscrit le fonctionnement perçu comme coûteux, d'autant plus que les membres du conseil considèrent l'analyse du cabinet scénographe démesurément optimiste quant aux résultats attendus… et ses émoluments excessifs (14% puis 8%...)".

"J'ai écouté avec beaucoup d'attention les uns et les autres, intervient Gérard Le Caër, le maire de Bégard, et je rappelle que j'étais président de la Communauté de Commune quand on avait décidé, unanimement, d'acheter ce site, et beaucoup d'entre vous étaient déjà là à l'époque". Mais maintenant, cet outil est un peu boudé selon le maire de Bégard, "et il faut le professionnaliser, qu'il ne reste pas simplement "la maison bleue" ; Il faut aller plus loin ; Je ne me satisfais pas du tout de la façon dont cela fonctionne actuellement et c'est pour cela qu'il est boudé". Pour le maire de Bégard, ce n'est pas facile d'y entrer, d'avoir les clés de compréhension des associations qui l'occupent – "et je n'ai rien contre ces associations – tout ce qui est association et engagement bénévole est à remarquer – mais elles doivent venir épauler un projet de nettement plus grande envergure". Il veut aller plus loin : "c'est une affaire économique et touristique qui s'inscrit complètement dans un pays qui va aller de Paimpol à Callac. On a là l'occasion - même si c'est coûteux, disons 600.000€ mais je pense que l'on a les moyens financiers - d'y arriver et de reprendre la main sur le fonctionnement" puis de conclure "C'est un peu bête de s'arrêter là pour des histoires symptomatiques locales. Le projet est boudé car il y a un truc qui ne marche pas en termes de communication et de répartitions des rôles, de qui fait quoi là-dedans".

Yvon Le Moigne continue de douter de la capacité du Palacret à générer des recettes : "Beaucoup de gens passent au Palacret, c'est vrai, c'est un beau site naturel…mais l'objectif du court terme, c'est qu'il faut qu'ils y laissent de l'argent ! La boutique dont vous parlez va-t-elle générer des recettes ? C'est ça le défi ! Et si l'éducation populaire - qui se doit d'être gratuite, s'était un jour emporté Yves Chesnot, l'ancien maire de Saint-Laurent – a un sens social et politique, elle n'a aucun sens économique".

"Il y a deux courants de pensées qui s'affrontent, intervient en final Gérard Le Caër : le courant associatif - on y est bien, c'est gratuit, c'est sympa… - et un autre courant dont je fais partie, un courant qui dit qu'on doit aller plus loin, et sans pour autant écarter les associations, faire de cet outil un outil de performance économique et touristique".

L'heure des votes…

Après une heure et quinze minutes de présentation et d'échanges, est venu le moment du vote. Pour le projet tout d'abord [vote] : 14 élus sont pour et huit sont contre. Il s'agit des élus de Trégonneau (Jean-Luc Picaud et Denis Caradec), de Squiffiec (Yvon Le Moigne et Gildas Connan), de Saint-Laurent (Annie Le Gall et Aurélie Gogail), de Kermoroc'h (Marie-Yannick Prigent) et de Landébaëron (Sébastien Tondereau).

Le projet étant acquis, le vote des scénarii [vote] a conduit quatre élus à retenir le scénario dit 'médian" – ce sont les quatre élus de Pédernec – et treize autres le scénario dit "optimal" (le 3). A l'exception de Gildas Connan qui avait voté contre le projet pour transmettre, comme promis par le maire, l'avis de la majorité des élus de la commune de Squiffiec, mais qui vote néanmoins pour le scénario 3, défendant ici un avis plus personnel, les élus qui ont voté contre le projet pour représenter les avis de leurs citoyens se sont aussi abstenus pour le vote des scénarii. Le premier scénario ne recueille aucune voix.

Conclusion

Sans doute Le Palacret restera un peu la maison bleue… On y vient à pied, on ne frappe pas, on se retrouve ensemble… mais désormais, ceux qui travaillent ici, ont repris la clef !

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Notes : (1) CdC : Communauté de Communes – (2) Douane : l'espace hors-douane est accessible à tous les publics sans titre d'entrée. Il se situe en amont du contrôle. L'espace en aval du contrôle est l'espace sous-douane – (3) Médiation indirecte : propositions culturelles que les visiteurs peuvent utiliser ou non, en parcours libres – (4) Médiation directe : activité pour laquelle le médiateur est présent, où il se met en scène et s'appuie sur le public.

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