GP3A – La fermeture de la maternité de Guingamp déclenche un tsunami rouge et noir

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Date de l'évènement: 
Samedi, 26 Mai, 2018

Samedi 26 mai (2018), la place du Champ au Roy de Guingamp paraissait bien petite pour contenir les 2.000 personnes venues montrer leur attachement à la maternité de Guingamp dont Olivier de Cadeville, le directeur de l'ARS(1), s'appuyant sur l'avis seulement consultatif  la Commission Spécialisée de l'Organisation des Soins (CSOS) présidée par Dominique Buronfosse, assisté...

...  du Docteur Benoît Feger, a programmé la fermeture au 1er février prochain.  En contrepartie de cette fermeture, l'ARS, qui justifie cette fermeture pour raison de sécurité des prises en charge à défaut de pouvoir mettre à disposition de Guingamp, pédiatres et anesthésistes en nombre suffisant, garantit que l'hôpital continuera néanmoins à « assurer le suivi de la femme enceinte comme la surveillance de la mère et de l'enfant au sein d'un centre de périnatalité ». L'ARS propose par ailleurs le développement de nouvelles activités cliniques telles que la chirurgie du sein, la chirurgie ophtalmologique et les soins liés à l'addictologie.

Pour les mamans, à compter du 1er février, il faudra donc choisir entre Saint-Brieuc et Lannion... mais les élus des territoires concernés, GP3A(2) et Leff Communauté, ne comptent pas se soumettre à cette décision de fermeture qu'ils qualifient unanimement d'aberrante et incohérente.

Pour "continuer à naître sur cette terre rouge et noire qu'est Guingamp"

Pour Philippe Le Goff, le maire de Guingamp, en cette veille de la fête des mères, "Guingamp est une nouvelle fois rouge et noire ; Rouge de colère et noire de monde ; Rouge de colère tant la décision prise par l'ARS est injuste et infondée ; Rouge de colère parce qu'avec 500 naissances par an, la maternité de l'hôpital de Guingamp est une maternité qui fonctionne et qui rend un service de qualité". Et pour lui, la volonté de l'hôpital de s'inscrire dans les label « Hôpital, ami des bébés » en est la preuve, de même que l'accouchement dans l'eau en est aussi l'image. "Rouge de colère, poursuit-il, parce que les témoignages dans la presse montrent à quel point cette maternité de Guingamp rend service, à quel point les personnels s'investissent comme jamais, et combien c'est apprécié des mamans et des familles ; Rouge de colère parce que l'avenir qu'on nous propose est de plus en plus noir". Il le décrit ce noir avenir en évoquant la nécessité de devoir, pour certains, faire une heure de voiture pour aller accoucher, les bouchons sur la route, les conditions météo défavorables, ou simplement l'absence d'un moyen de locomotion pour s'y rendre. "Oui, on organise des heures noires pour celles et ceux qui n'ont pas les moyens, pour celles et ceux dont le service public est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas" ; Oui, cette place du Champ au Roy est noire de monde pour combattre cette funeste décision ; Cette place est noire de monde pour que l'on entende ce que nous avons à dire : préservons cette maternité et ses personnels qui font un travail fantastique" et de conclure : "Oui, le rouge de la colère et le noir de la mobilisation peuvent et doivent faire changer les choses. Nous nous fédérons aujourd'hui pour relever un nouveau défi. Alors à l'ARS, à M. de Cadeville, au Préfet, à l'Etat, je demande que l'on puisse continuer à naitre sur cette terre rouge et noire qu'est Guingamp. Ensemble, nous y arriverons".

"La chirurgie mammaire ou l'ophtalmologie promises par l'ARS sont des leurres".

Annie Le Houérou, la présidente du Conseil de Surveillance, ex députée du canton de Guingamp – le député actuel, Yannick Kerlogot, était aux abonnés absents en cette circonstance, mais il faut dire qu'il est l'un des rares élus à appuyer la décision de l'ARS – salue tout d'abord "le courage et la détermination des équipes de l'hôpital et de la maternité en particulier" ; Puis elle déclare : "Les regards prédateurs sondent et scrutent la moindre faille depuis plusieurs années ; Or la haute autorité de santé a fait un audit qualitatif récent et n'a émis aucune remarque sur le fonctionnement du service. Par ailleurs, l'initiative « Hôpital, ami des bébés France » a salué le remarquable travail mené en maternité et les membres du Comité en ont félicité par écrit les responsables. C'était le 16 septembre 2017". La situation se serait-elle dégradée en quelques mois, interroge l'élue guingampaise qui poursuit : "Il ne faut pas laisser penser que la sécurité des parturientes et des bébés n'est pas garantie à Guingamp ; Je crains que certains aient instillé cette idée et j'ai compris qu'il y avait eu de la désinformation lors de la commission spécialisée de l'organisation des soins du 17 mai". Rappelant l'élément déterminant dans la décision du Directeur Général de l'ARS - la permanence des soins en anesthésie et pédiatrie – elle indique : "Pour l'anesthésie, jamais Guingamp n'a été pris à défaut d'assurer cette permanence ; Pour la pédiatrie, on n'en a plus depuis 20 ans et depuis 20 ans, nous avons une convention avec Saint-Brieuc qui assure des vacations 24 heures sur 24". Alors, interroge-t-elle, "pourquoi ce refus soudain d'y participer alors que nous avons créé le groupement hospitalier de territoire justement dans l'objectif de consolider les équipes ? Pourquoi Saint-Brieuc met fin à ce contrat et à un contrat de pédiatre fin mai ? Pourquoi ce poste n'est pas mis à la vacance ?" et d'en déduire : "Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Nous avons la rage ! Je crains l'effet domino : pas d'anesthésie pour la maternité, c'est, pas d'anesthésie pour la chirurgie. La chirurgie mammaire ou l'ophtalmologie promises par l'ARS sont des leurres". Avec plus de 100.000 habitants sur la zone d'attractivité de la maternité, 501 bébés qui y sont nés en 2017, 514 en 2016, 640 en 2015, elle revendique d'avoir les mêmes droits aux mêmes services que dans les villes. "Nous portons des politiques de revitalisation rurale, nous mettons de l'argent public, alors l'ARS ne peut pas se désolidariser. C'est une aberration, une incohérence". Selon Annie Le Houérou, les élus régionaux vont être invités à rejeter le programme régional de santé qui est à l'ordre du jour de leur session du 21 juin prochain et pour elle, "le Directeur Général de l'ARS a fait une erreur manifeste et nous le lui ferons dire en formalisant dans les jours prochains un recours hiérarchique. Nous avons 2 mois pour formuler un recours contentieux et nous ferons un dossier en béton" et de conclure avec fermeté : "Cette décision anéantit nos efforts. GP3A et Leff Armor Communauté garderont leur maternité. Tous ensembles unis et solidaires, résistons !".

"Si solitaires nous ne sommes rien, solidaires, nous irons loin"

Résister, au-delà des clivages, c'est aussi ce que demande Pierre Saliou, le maire de Pabu, qui rappelle que le territoire a déjà vu la fermeture de 3 maternités - Paimpol, Tréguier, Clinique Saint-Sauveur de Guingamp – et que l'annonce d'une fermeture programmée supplémentaire "est vécue comme un véritable traumatisme, tant par les futures mamans, le personnel hospitalier que par l'ensemble de la population". Il souligne que le pôle de santé est le premier employeur du territoire avec plus de 1.000 salariés et qu'il appartient aux élus de défendre l'emploi dans une agglomération déjà fragilisée par la disparition d'une certain nombre de services publics. "On nous dit que nous sommes en manque d'anesthésistes et de pédiatres, poursuit le maire de Pabu, mais ce qui est vrai ici, l'est aussi malheureusement ailleurs".  Pour lui, il est donc nécessaire, au travers du GHT(3) qui comprend les hôpitaux de Lannion, Paimpol, Tréguier, Saint-Brieuc, Quintin, Lamballe et Guingamp, d'être plus "capables de mieux mutualiser nos moyens humains et ce, dans un  souci de justice et d'équité au service de l'ensemble de la population. Chacun d'entre nous, quel que soit son lieu d'habitation, doit se sentir en sécurité car nous savons que la santé n'a pas de prix". Il admet que compte tenu de la "démographie médicale", des évolutions soient nécessaires, que la télémédecine va se développer, que de nouvelles technologies vont apparaitre, que des mutualisations sont nécessaires, qu'il faille regarder devant et non derrière, mais il appelle à la vigilance :  "Au-delà de nos différences politiques et syndicales, unissons nos forces pour défendre notre hôpital et notre maternité. Dans cet enjeu, il ne peut y avoir de récupération partisane. Notre seul objectif doit être le service à la population, à toute la population. Nous devons unir nos forces car si seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ; Si solitaires nous ne sommes rien, solidaires, nous irons loin".

"On interviendra le plus haut possible"

Et solidaire... Noël Le Graët l'est en soutenant cette action de lutte... "Je ne souhaite pas m'immiscer dans la vie politique locale ou départementale, mais ceci dit, j'ai été maire de Guingamp pendant 13 ans Président du Conseil d'Administration de l'hôpital pour la même durée". Il se dit effaré à la lecture de la presse : "Comment peut-on imaginer de fermer un hôpital qui fait 500 accouchements, qu'elle que soit la ville. Cela n'existe nulle part en France ! Je ne sais pas qu'elle idée, quelle administration, quelle analyse a conduit à cela. Sur un territoire comme le nôtre, un territoire qui vient de s'installer entre Saint-Brieuc et Lannion, personne ne peut décider sans une grande discussion de fermer, car, mathématiquement, c'est mieux d'aller à Saint-Brieuc parce qu'il y a de le place. Pourquoi pas demain aller à Rennes demain parce qu'il y a encore plus de place ?". Pour l'enfant du Pays devenu entrepreneur sur le territoire Guingampais, maire, président d'En Avant et maintenant président de la Fédération Française de Football, Guingamp doit se défendre, "avec bonhommie, gentillesse et élégance, mais aussi avec force. Les élus ont pris la bonne décision. Ils sont responsables et le font avec dignité. Il faut absolument revoir les responsables de cette fermeture". Il s'engage – "à titre personnel bien sûr et en haut lieu s'il le faut" – à appuyer les élus pour que Guingamp garde sa maternité, car l'inverse, selon Noël Le Graët, "est injuste". "Autant il m'arrive de comprendre que certains regroupements sont nécessaires, poursuit-il, autant il m'arrive d'admettre qu'après 20 ans, les choses doivent changer, mais la maternité de Guingamp est indispensable. L'hôpital est une nécessité locale ; C'est un bien ; Il y a plus de 1.000 salariés et il peut y en avoir 1.200 demain avec d'autres services à développer" et de conclure son propos sur une note combative et positive : "Il est impossible qu'on ferme la maternité. Elle va rester. Vous avez tous travaillé les dossiers juridiquement, vous allez continuer à travailler ensemble et on interviendra le plus haut possible mais il faut que l'on se retrouve ici dans quelque temps en disant : la maternité est sauvée et l'hôpital peut se développer".

Après les interventions du Docteur Hélène Guichaoua, chef du service maternité qui se dit "très émue et contente du soutien, du nombre de personnes qui a répondu à l'appel" et qui affirme : "On a toujours travaillé dans de bonnes conditions de sécurité contrairement à ce que l'on veut vous faire croire", de Flora Bochet, porte-parole du Comité de Défense de la santé du Pays de Guingamp, qui pointe, d'une part, le côté marginal de la décision prise par le Directeur de l'ARS eu égard aux textes mêmes du programme de santé 2018-2022 de l'ARS (4) et d'autre part le caractère manipulatoire d'une décision, dont la source n'est pas connue, ayant conduit à l'annulation de la venue des représentants du label « Hôpital, ami du bébé » pour une évaluation prévue les 24 et 25 mai, alors qu'il est avéré, selon elle, "qu'aucune maternité ayant acquis ce label ces dernières années n'a pu être fermée", et de Christophe Rodel, de l'Union départementale de la CFDT, qui dénonce "la brutalité de cette décision prise sans concertation préalable ni information sur le territoire", un cortège se met en place pour investir les rues de la ville avec force fanions, drapeaux, slogans, bannières, casseroles, sirènes, chants et slogans tels que "La santé...est bradée... pas d'usines... à bébés" ou encore  "ARS... assassin... des réseaux de soins".

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Notes : (1) ARS : Agence Régionale de Santé – (2) GP3A : Guingamp Paimpol Armor Argoat Agglomération – (3) GHT – Groupement Hospitalier du Territoire – (4)  « Garantir l'accès à une offre de santé adaptée et de qualité au plus près du domicile [...] La première condition d'efficacité du système de santé repose sur son accessibilité [...] l’accessibilité   financière que permet notre système de protection sociale pour éviter tout renoncement aux soins doit pouvoir être vérifiée en  toutes  circonstances pour les plus fragiles. Elle doit être complétée par une accessibilité géographique satisfaisante afin de garantir l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Cette accessibilité doit être équitable et graduée [...] »

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