Jeudi 12 juillet (2018), dans l'ordre du jour du Conseil Municipal présidé par le maire Vincent Clec'h figurait une délibération pour le recrutement de personnel pour renfort temporaire d'activité. Ce qui motive ce renfort, c'est le retour sur Bégard de la prise en charge du traitement des cartes d'identité et des passeports en mairie. Devenues "sécurisées" et nécessitant des ...
... nouveaux dispositifs techniques – les DR pour Dispositifs de Recueil - par lettre du 16 juin 2016, le Préfet en avait retiré la gestion sur Bégard à compter de décembre, malgré les courriers et la motion demandant le renforcement desdits dispositifs [NDLR : Voir Nouvelle contrariété administrative de la part de l'Etat]. Depuis cette date pour obtenir un titre d'identité – carte d'identité ou passeport - il faut prendre rendez-vous, attendre que le titre se fasse et reprendre un 2ème rendez-vous pour venir chercher sa carte ou son passeport. "Il faut savoir qu'actuellement, les demandeurs font un tour des mairies accréditées – Guingamp, Lannion, Callac, Quintin, Plouaret et Pontrieux - pour savoir quel est le délai le plus court, expose le maire ; On arrive parfois à avoir un rendez-vous dans les 2 mois alors qu'avant, ici en mairie, on venait en direct et 3 semaines après on avait sa Carte d'Identité ; On est maintenant sur des délais de l'ordre de 4 mois pour avoir le document".
Seulement voilà, Pontrieux n'assure plus cette tâche ! "Tout simplement parce qu'ils n'y arrivent plus. C'est une charge trop lourde pour la commune ; C'est une petite commune de 1.000 habitants et c'était un agent à plein temps" explique Vincent Clec'h.
En conséquence, plus d'un an et demi après l'avoir sollicité, par courrier en date du 12 juin 2018, le Préfet des Côtes d'Armor a informé la commune de Bégard qu'à compter de septembre 2018, la mairie instruira les titres sécurisés tels que Cartes Nationales d'Identité et les passeports. "C'est un service que l'on récupère de la commune de Pontrieux et la condition posée par la préfecture pour que cela se fasse c'est d'assurer un nombre assez conséquent d'instruction de cartes d'identité et de passeports sur l'année" poursuit le maire. Ramené au mois, cela fait 300 titres. "Ça fait beaucoup car cela implique des amplitudes d'accueil et d'instruction conséquentes et au regard de nos ressources en interne, il est évident que l'on va avoir besoin d'un renfort pour couvrir tous les jours de la semaine, du lundi au samedi". Les plages horaires qui seraient proposées sont les suivantes : 1/2 journée le lundi, journée complète les mardis et mercredis, 1/2 journée les jeudi et vendredi et le samedi matin.
Désengagement non concerté de l'Etat, avec faible contrepartie... sous condition !
"C'est un désengagement des services de l'Etat sur les collectivités, s'insurge le maire ; Certes, on sera rémunéré 8.000€ par an, mais seulement si on arrive à l'objectif des 300 dossiers/ mois, soit 3600 dossiers à l'année ! Il va falloir un plein temps qui sera réparti sur plusieurs agents et on a demandé des agréments pour que tous puissent en faire. La personne recrutée travaillera le samedi matin mais nous devrons toujours avoir une deuxième personne".
Vincent Clec'h explique ensuite avoir confié à la Directrice Générale des Services – Héléna Denis-Pesrotel – la mission de mettre en place un projet de service. En effet, en plus de cette charge nouvelle, d'autres changements se profilent à l'horizon de la fin de l'année : un départ à la retraite à l'accueil, le recrutement de l'agent pour la médiathèque, un agent en congés maternité qui va peut-être demander un temps partiel... "et donc, au lieu de traiter cela au cas par cas, nous allons voir cela globalement et en concertation avec les agents administratifs".
Une charge, mais aussi un service rendu à la population...
"Pour la ville de Bégard, ce sera une charge, mais c'est un service que l'on va rendre à la population puisque les Bégarrois n'auront plus à se déplacer" dit le maire qui rappelle par ailleurs la spécificité "forte" de la commune : l'hôpital du Bon Sauveur : "Imaginez la difficulté d'envoyer un patient à Lannion ou à Guingamp". L'avantage pour Bégard, c'est aussi de faire venir beaucoup de personnes de l'extérieur sur la ville de Bégard ; "Je pense notamment à la photographe puisque les photos d'identité doivent être formatées. Si vous les faites vous-même, ça ne marchera pas car c'est tellement réglementé ; Elles sont refusées chaque fois... Et puis, j'espère que les gens qui viendront à Bégard y feront aussi leurs courses".
En revanche, cette nouvelle charge implique de repenser quelques moyens techniques : "Le standard va vite être débordé, explique le premier magistrat ; Il va falloir adapter le site internet, mettre en place un système pour les prises de rendez-vous, un autre de confirmation des rendez-vous via sms ou email". La commune bénéficiera donc d'une aide de 8.000€ - "mais cela ne paie pas un trois quart temps d'agent" – et une autre de l'ordre de 5.000€ pour le matériel. "Mais il va falloir aussi réorganiser les bureaux, car il faut de la confidentialité, ajoute le maire ; C'est une bonne nouvelle mais ce n'est pas un cadeau financier". Pour lui, c'est encore un désengagement de plus de la part de l'Etat, après l'instruction du droit du sol – "qui nous coûte désormais 17.000€ de prestation" - l'ATSAT(1) qui n'est plus conventionnée par l'Etat – "et pour laquelle on paie désormais une autre prestation" – ou encore les PACS(2) qui étaient faits avant au Tribunal et qui sont maintenant faits en mairie... "L'Etat recentralise sur certaines choses, mais quand elles lui coûtent, l'Etat décentralise plus facilement" conclut Vincent Clec'h.
Le désengagement : une stratégie politique de l'Etat selon Cinderella Bernard
Pour Alain Brunel, élu de l'opposition BAGA(3), "c'est déplorable de voir que l'Etat se décharge sur les collectivités locales d'un certain nombre de missions sans compensation financière. Dans ce cas, on va faire des cartes d'identité - qui étaient faites auparavant dans toutes les communes - pour toutes les communes des alentours et ce sont les Bégarrois qui vont payer ! Il faudrait quand même qu'on fasse quelque chose ! Si on augmente les charges de cette façon, pour les cartes d'identité, les permis de construire... on va finir par devoir augmenter les impôts locaux !". Si tant est que la commune en ait la maîtrise, sachant que sa principale ressource, la taxe d'habitation, est en voie de disparition, avec une contrepartie figée qui ne tiendra certainement pas compte des charges supplémentaires dont se déleste l'Etat.
Vincent Clec'h partage totalement l'avis de l'élu de BAGA : "On est de plus en plus interloqué par ce que l'on voit ! Comme les écoles... On paye les fournitures... Les enseignants, quand ils arrivent, ils n'ont rien ; C'est à nous de tout payer ! On nous demande même de payer les matériels de certains agents de l'Etat".
"Quelles sont les actions que l'on peut faire pour alerter sur le désengagement de l'Etat plutôt que de toujours dire amen, demande Chantal Rouzioux, la chef de file de BAGA ; La résistance administrative, ça existe ; On a vu que la trésorerie est partie et on continue néanmoins à donner un financement à l'agent comptable... qui n'est plus sur place... A un moment il faut peut-être passer à des actions plutôt que de tout accepter". Concernant l'agent comptable, elle fait référence à une délibération budgétaire du 6 avril 2018 qui a attribué des indemnités de conseil au Receveur des Impôts, M. Guyot, qui a pris en charge le budget de la commune depuis la fermeture de la trésorerie locale, en contrepartie, "dans la mesure de ses moyens", de toute l'assistance dont la commune pourrait avoir besoin en matière budgétaire, économique, financière et comptable. C'est vrai que si le conseil fait partie de sa mission de service public, pourquoi le payer ! Bon, ce qui est rassurant, c'est qu'il doit la déclarer son indemnité, en qualité de Receveur des Impôts !
Pour la première adjointe, Cinderella Bernard, il y a une réflexion politique de l'Etat derrière son désengagement : "C'est pour nous encourager à fusionner... L'idée qu'il y a derrière, c'est de nous contraindre, de nous amener doucement vers les projets de fusion avec les autres communes et la suppression des élus locaux qui va avec. Il y a 70.000 postes d'Etat à supprimer".
"Soit on est des moutons, soit on réagit ! " insiste Chantal Rouzioux.
Trois semaines avant... Trois mois maintenant... Pour le Député, c'est le progrès !
En réponse, Vincent Clec'h dit avoir évoqué le sujet du désengagement de l'Etat avec le député Yannick Kerlogot, "mais je ne suis pas sûr qu'on ait eu une oreille attentive quand on lui a parlé de cela ; Et l'an prochain, avec l'impôt à la source, on va devoir collecter de l'argent pour les services financiers. C'est nous qui allons servir de boîte à lettres ; C'est nous qui allons prélever l'argent et le reverser aux services de l'Etat, et tout ce travail va servir à supprimer 20.000 postes dans les services fiscaux. Ce sont des économies pour l'Etat, mais nous, ça va nous coûter : adaptation de nos logiciels, travail en plus du service DRH..."et de conclure : "On a fait remonter tout cela à M. Kerlogot mais cela ne l'intéresse pas car il considère que c'est un progrès ! Avant, en 3 semaines, on avait une carte d'identité, maintenant il faut attendre 3 à 4 mois.... Ça s'appelle le progrès ! Et essayez d'avoir une carte grise !? Ça fait un mois et demi que j'essaye et je n'y arrive pas !".
En attendant le recrutement de personnel pour le renfort temporaire d'activité est voté par la majorité des élus. BAGA s'abstient en expliquant : "On n'est pas contre le fait qu'il faut réorganiser, mais c'est vraiment une réaction au désengagement de l'Etat".
------------------------------------------------------
Notes : (1) ATSAT : Assistance Technique fournie par l’Etat pour des raisons de Solidarité et d’Aménagement du Territoire – (2) PACS : PActe Civil de Solidarité – (3) BAGA : « Bégard A Gauche Autrement »