Hors territoire – Petite visite du côté des fakes news : Tout (ou presque) sur les infox

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Date de l'évènement: 
Jeudi, 14 Mars, 2019

Jeudi 14 Mars (2019), la rédaction est sortie de son territoire pour couvrir un évènement se déroulant sur le territoire de Leff Armor Communauté et ceci, conformément au premier alinéa de notre déclaration d'intention qui dit : « La vocation de ce site est de mettre l'actualité hyperlocale du Pays de Bégard à la portée de tous. Vous y trouverez donc des informations en rapport avec...

...  des évènements passés et/ou à venir concernant Bégard et Pédernec dans un premier temps et selon les opportunités, au-delà dans le canton ou ailleurs ».

Ce qui a retenu notre attention ce jeudi soir, c'est la conférence organisée par le « Médiacentre » - espace public du « Petit Echo de la Mode », sur les « Fake news ». L'animateur, Laurent Bohu, blogueur – et blagueur comme il le montrera dans le cours de son intervention – chef de projet web au sein de l'agence « Passeurs de Savoirs » de Guingamp et enseignant associé au sein de l'IUT de Lannion pour les étudiants en communication et journalisme, a présenté ce qu'étaient les Fakes news, les raisons ou les causes de  leur existence, les motivations de ceux qui les génèrent, leurs conséquences et l'attitude à adopter pour les détecter, voire ne pas les propager .

"Qu'est-ce une fake, pourquoi elle existe et comment elle se propage" interroge Laurent Bohu qui se répond : "C'est une fausse information, une « infox », une info et une intox à la fois". C'est donc une mauvaise information qui peut avoir trois causes : Soit on s'est trompé – "et c'est très souvent le cas, la fake n'est pas toujours délibérée" – soit parce que l'on veut faire de la propagande pour quelque chose – "un acte militant, un acte politique, une volonté de vouloir convaincre les gens pour un truc dont  ils ne sont pas nécessairement convaincus à l'origine" -  soit pour rigoler, "car il y a toujours un côté réjouissant à dire qu'on a essayé de faire croire un truc aux gens... et ça fonctionne et parfois mieux que ce qu'on pouvait le penser".

D'ailleurs, nous - la rédaction de BVonline - devons faire amende honorable pour avoir pêché de ce côté : il y a presque un an, à l'approche du 1er avril, nous avons voulu faire croire à la reprise de la Java dans les Bois [NDLR : Voir : Gwallspered dévoile un grand projet pour cet été : la Big Java !] et sur notre page Facebook, les teasers de cet article et de son démenti ont été vus 28.898 fois et ont généré plus de 8.300 interactions, dont de nombreux clics vers la page et plus 275 partages. Sachant, comme le précise le conférencier que "la communauté moyenne d'amis que l'on a sur les réseaux sociaux comme twitter et Facebook est de 100 personnes", notre sympathique infox a pu être vue presque 56.398 fois et parmi ceux-là, certains ont dû y croire. D'ailleurs, certains y ont cru ! Nous confirmons.

Nous ne sommes pas concernés par ce qui suit... mais il faut savoir, à l'image des sites parodiques tels que « Le Gorafi », ou « NordPresse », que la fabrication et la diffusion d'infox via les réseaux sociaux répond à une motivation essentiellement mercantile. "Ce sont des aspirateurs de clics, déclare Laurent Bohu ; Le Gorafi est un site qui vous fait une promesse et qui la tient : il ne va vous donner que des fausses informations ! Les seules informations qui soient vraies, ce sont les pubs sur les pages...". Ce ne sont donc pas des sites d'humour ; "Ce sont des sites faits pour gagner de l'argent. Si vous trouvez quelque chose qui est incroyable, intrigant, qui pousse les gens à aller sur le site, vous allez pouvoir mettre de la pub ou des outils de monétisation et toutes les visites vont rapporter de l'argent". Que n'avons-nous pas fait le nécessaire en avril 2018 !

Très différentes dans leurs motivations sont les fakes news de propagande et nombre sont les groupes qui les utilisent pour tenter d'influencer les esprits malléables en entretenant des idées conspirationnistes. "Ainsi, la « Flat Earth Society », les adeptes de la terre plate, expose Laurent Bohu après s'être assuré qu'il n'y en avait pas dans la salle, vous disent que la terre est plate...". Né dans les années 50, aux Etats-Unis, ce mouvement a convaincu 20 millions d'américains que cela pouvait être vrai. "Ce qui est rassurant, s'amuse Laurent Bohu, c'est que ce sont sans doute les mêmes qui ont voté pour Trump !". En France, nous n'avons pas de Trump - du moins pas encore et croisons les doigts pour ne jamais en avoir - mais il y a quand même, selon une étude de l'organisation « Conspiraty Watch » qui produit chaque année une enquête sur la conspiration, avec la fondation Jean Jaurès qui travaille sur la société et la politique, près de 10 français sur 100 prêts à croire que la terre serait plate... [NDLR : Lire le très intéressant rapport (Juillet 2018) sur le conspirationnisme dans l'opinion publique française ICI]. Si cette fake news a peu d'incidence directe – sinon d'entretenir l'esprit de doute à l'égard de la science – il en est d'autres qui peuvent avoir des effets plus dévastateurs. Ainsi, dans un autre rapport de cette même enquête [NDLR : Voir page 71 du rapport (Janvier 2019) joint ICI], vous lirez que 43% des français adhèrent à l'énoncé selon lequel le ministère de la santé serait de mèche avec l'industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins ! Alors que la rougeole réapparait ! D'autres en 2017, un sur trois, adhèrent à l'idée que le virus du sida aurait été créé en laboratoire par le gouvernement américain puis propagé via les campagnes de vaccination faites en Amérique du Sud et en Afrique, et ce par l'entremise des agents de la Santé américains.

Pas toujours sans conséquence...

"Pour faire une infox, il faut quelque chose qui vous révolte ou vous émeut, qui soit un peu crédible, soutenu par un référent reconnu en ce domaine et associé à une autorité supérieure", poursuit Laurent Bohu en abordant une autre sorte de fake news, celle qui, par exemple, demande d'appeler un certain docteur Riaudeau de l'hôpital de Nantes pour faire un don pour une petite Lucie qui n'est pas trop en forme. "Voilà... Voilà... Sauf qu'à l'hôpital de Nantes, il n'y a pas du tout de Dr Riaudeau ; Il n'y en a jamais eu... Et en fait, pour un don de sang, vous ne passez pas par l'hôpital, il y a des structures qui s'occupent de ce genre de chose". Certes, les gens qui appellent sont de bonne volonté mais une fois sur deux, le standard l'hôpital de Nantes saute et il n'est plus possible de joindre les urgences. "Y a un truc que je ne vous ai pas dit, poursuit l'orateur, c'est que Lucie... elle n'existe pas. En revanche une petite fille – Noémie – a été hospitalisée à Nantes avec une forme de leucémie qui requérait un don de moëlle... [pause] ; Et grâce à ça, on a pu lui faire une greffe... [pause] ; Enfin, non ! Pas grâce à ça. On lui a fait une greffe effectivement... [pause] ; En 2003 [pause]. En 2003, l'opération a très bien réussi... [pause]; Ca ne l'a pas empêchée de mourir en 2008 !". [NDRL : Voir le rapport de Hoaxbuster ICI]. En réalité, en 2003, Internet n'était pas ce qu'il est aujourd'hui et le parrain de Noémie avait pensé qu'avec le net, les mails, il pouvait faire diffuser largement cette information.  "Puis d'autres se sont dit que ca pourrait servir à d'autres... donc Noémie est devenue Julie, Lucie - il y a eu aussi Marcel – et quand les réseaux sont arrivés, on les a utilisés et le message continue de tourner". Et le standard de l'hôpital de Nantes de sauter.

Ce qui est "amusant", c'est que la plupart des fake news sont propagées sans avoir été lues. Laurent Bohu prend l'exemple d'une expérience faite par le site « The Science Post » qui a créé un article fictif titrant que 70% des utilisateurs de Facebook lisent seulement le titre de ce qu'il partage. Ecrit en "faux-texte" utilisé par les concepteurs de documents graphiques – genre : « Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam consectetur ipsum sit amet sem vestibulum eleifend. Donec sed metus nisi. Quisque ultricies nulla » - ce post Facebook a été partagé 120.700 fois et avec une moyenne de 100 "amis" sur Facebook, cette information a été lue plus de 12 millions de fois, du moins vue, puisque 70% des utilisateurs de Facebook... [NDLR : Voir ICI].

Autre forme d'infox est celle qui est en rapport avec une information réelle et vérifiée, mais qui devient une infox dès lors qu'elle est propagée en un temps sans rapport avec les faits qu'elle présente. Ainsi, c'est vrai, Jérôme Cahuzac, l'ancien ministre indélicat du budget, continue de toucher ses indemnités de ministre ! Il perçoit chaque mois 9.443€ ! Mais seulement pendant les six mois qui ont suivi sa démission en avril 2013. Et si cette information était vraie en avril/mai 2013, publiée sous Facebook ces dernières semaines sous le titre « Cahuzac continue de toucher ses indemnités de ministre » en fait une infox visant à lever la polémique. C'est de la propagande politique !

Adopter une règle : vérifier avant de propager

Sans plus entrer dans le détail des autres cas examinés lors de cette conférence, le thème suivant dans la progression était l'attitude à adopter vis-à-vis de ces infox et de leur propagation. Laurent Bohu rappelle – mime à l'appui - que le principal responsable de la propagation d'une infox, est ce qui se trouve entre l'écran qui l'affiche et le dos de la chaise placée devant l'écran. "Le premier principe repose sur les 5 W : Who, What, Where, When, Why ?" énonce-t-il. Autrement connu en management des processus organisationnels sous la forme QQOQCP - Qui, Quoi, Où, Quand, Comment, Pourquoi [NDLR : Connu aussi sous cette forme : C'est cucul c'est occupé] – cet acronyme appelle à l'identification des sources de l'information (Qui) – un auteur ? Un média ? - à la lecture du contenu pour s'assurer que l'article parle bien de ce qu'il annonce (Quoi), à regarder si d'autres sources en parlent (Où) et comment elles en parlent (Comment), et quel but cette information pourrait servir (Pourquoi).

Certains outils existent, tels que images.google.fr ou tineye.com qui permettent de trouver une image originale ayant pu faire l'objet d'un photomontage, ou la chaine de la journaliste Audre Favre qui décode des fakes news sur sa chaine youtube «Aude WTFake», ou encore la presse qui propose de plus en plus d'outils comme factuels.afp.com (Agence France Presse), lemonde.fr/verification (Le Monde), hoaxbuster.com et son groupe Facebook facebook.com/groups/hoaxbuster.groupe et enfin, cette petite fiche très pratique publiée par la Fédération Internationale des Associations et Institutions de Bibliothèques [NDRL : Fiche jointe ICI].

Il y avait peu de monde à cette conférence... Mais qu'importe : le contenu était riche et très agréablement rapporté. Et après vérification, rien de ce qui a été dit n'était "fake". Enfin... c'est à vous de voir avant de propager !

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