Bégard – Trésorerie de Bégard – L'émergence logique de visions politiques opposées

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Date de l'évènement: 
Vendredi, 15 Septembre, 2017

Vendredi 15 septembre (2017), à l'appel du maire, Gérard Le Caër, seules soixante-dix personnes étaient présentes dans la salle des fêtes pour la réunion publique visant à construire des actions pour éviter la fermeture annoncée pour janvier 2018, de la trésorerie de Bégard. Face aux élus de Bégard, de Pédernec, de Saint-Laurent, ...

...  de Kermoroc'h, de Squiffiec, de Trégonneau, de Tréglamus, de Belle-Isle-En-Terre, de Bourbriac, face aux personnels de la trésorerie et à leurs représentants de Solidaire, FO et CGT, face à quelques citoyens, trop peu sans doute, le maire, appuyé par les Conseillers Départementaux, Cinderella Bernard et Joël Philippe, en présence du député LREM Yannick Kerlogot, invité à cette "rencontre" (NDLR : "Rencontre" avec des guillemets, c'est ainsi que le député a évoqué cet instant dans un post sur Facebook le 17 septembre à 09h29), a exposé le fond de la problématique : "Il y a 12/13 mois, nous étions en bagarre contre la fermeture de la Trésorerie… nous avons lutté, nous nous sommes rencontrés, nous avons manifesté, interpellé le Préfet… et évité la fermeture annoncée pour janvier 2017. Mais voilà qu'à nouveau cette fermeture est prévue pour janvier 2018 et si les gouvernements se succèdent, sur le fond, les affaires qui nous concernent, nous, gens du monde rural, ne s'arrangent pas pour autant et cette idée de vouloir, une nouvelle fois, fermer ce centre des impôts, nous ramène au combat ce soir…".

La trésorerie de Bégard, c'est une petite entreprise qui emploie 5 personnes et qui traite près de 60 millions d'euros répartis sur les budgets des différentes collectivités concernées ; Elle reçoit une quinzaine de personnes par jour, - "c'est donc un service de proximité qui a encore toute sa place pour une petite ville comme la nôtre" – et d'après les personnels, depuis août, avec les recouvrements, ce sont 50 personnes qui passent tous les jours. Selon le Directeur Départemental des Finances, cette fermeture est l'une des six autres prévues dans les Côtes d'Armor. Pour ce qui est de Bégard, les services seront reportés sur Guingamp, "qui est déjà en situation assez fragile" et pour Gérard Le Caër, "cette idée de vouloir tout mettre dans l'urbain, n'est pas quelque chose qui me convienne, ni convienne aux 15 communes concernées, aux 70 budgets… On est fatigué de devoir se battre sans cesse contre les menaces de fermetures, de la trésorerie, des écoles, de la poste…".

Appel à la résistance

Il appelle les élus à la résistance : "Il nous faut délibérer concomitamment afin de nous faire entendre auprès du Préfet, des Parlementaires, du Ministre du budget et pourquoi pas, du Président de la République… C'est indispensable si on veut arrêter le détricotage de l'espace rural. Ce n'est pas seulement la perception… C'est un ensemble ; La trésorerie a valeur de symbole… sachant qu'on pourrait aussi connaitre des problèmes avec nos services techniques, nos écoles, ces choses indispensables si on veut garder un peu de vie, un peu de monde, un tissu associatif structurant, dans nos communes rurales. Il faut repenser les fondamentaux et arrêter de tout ramener sur le pôle urbain".

Cinderella Bernard qui a rencontré Stéphane Halbique, le Directeur Départemental des Finances Publiques, apporte quelques précisions : "Il a expliqué à nouveau que ce projet est le fait de la mise en place de l'intercommunalité, ce qui supprime les budgets des intercommunalités fusionnées. Cela s'inscrit dans le programme du nouveau Président en matière de réduction des dépenses publiques". En la circonstance, il ferait l'économie d'un poste, soit 24.000€ auxquels il faut ajouter la location immobilière de la structure de Bégard. "On est donc dans une démarche purement financière ! On ne pense absolument pas aux besoins des gens qui vivent sur le territoire et c'est là que la situation est écœurante d'autant qu'elle touche une fois encore le milieu rural. On ne peut pas accepter cela !". Elle regrette la déshumanisation, le retrait des relations humaines entre le service et les personnes. "On est plus dans une relation qui va avec le progrès technologique ; Mais il est une réalité qui est la nôtre : nous sommes des hommes et des femmes et nous avons besoins de relations". "Que veut-on faire de notre société ?" interroge la Conseillère Départementale.

Pour Joel Philippe, l'élu de Tonquedec, suppléant de Vincent Le Meaux démissionnaire, et donc Conseiller Départemental désormais, "Tout est en lien… Si nous ne sommes plus capables d'apporter les services dans les contrées éloignées, c'est la désertification demain… En l'absence de services de proximité, comment convaincre les gens de venir habiter dans notre région, profiter de notre cadre exceptionnel et pas seulement pour quelques temps en été ?"

Les mesures compensatrices annoncées

Selon Cinderella Bernard, le Directeur Départemental ayant reconnu qu'il y avait une forte fréquentation de la trésorerie sur Bégard, a conclu par la mise en place d'une permanence sur la commune, charge au maire de trouver un local pour accueillir la personne. Cette permanence serait activée pendant les moments de déclaration et de paiement des impôts. Par ailleurs, le fait qu'il y ait une relation de confiance entre les collectivités et la trésorerie qui a une bonne connaissance des budgets, il envisage la mise en place d'un référent au sein de la trésorerie de Guingamp, lequel serait en lien direct avec les communes, "mais après discussion avec les services, il semblerait que ce soit assez compliqué à mettre en place concrètement". Enfin, informe-t-elle, "Bégard n'est pas la seule trésorerie visée sur le territoire. Elle s'ajoute à celle de Plouaret et de Callac dans deux ans. Il garderait celle de Rostrenen".

Une autre vision : numérique et accompagnement aux usages du numérique

Le député Yannick Kerlogot, invité à exprimer son sentiment politique sur cette fermeture de la trésorerie de Bégard, livre sa vision "en tant qu'élu qui porte un projet politique qui a été soumis au vote des Français". S'il rejoint ce qui a été exprimé auparavant en termes d'attractivité – "ce n'est pas en supprimant les services publics que l'on va apporter de l'attractivité au territoire" affirme-t-il à son tour - en revanche, sa vision de la solution n'est pas du tout celle des élus qui l'ont précédé. Pour lui, il est temps de regarder autrement la situation et de mesurer les comportements de chacun dans son implication dans la société actuelle. "Aujourd'hui, une évolution se met en place ; Elle s'appelle le numérique".

S'il partage la crainte du milieu rural – "Mme Bernard disait qu'il fallait un vrai projet, que l'attractivité pour les territoires ne pourrait passer que par les services publics et moi, je partage complètement" – il formule une autre lecture en appuyant sur l'évidence des changements comportementaux qu'il illustre en de longues circonvolutions, pas toutes en rapport avec l'objet de la réunion d'ailleurs. Ainsi, il évoque l'attractivité qui passe par l'arrivée du TGV, de l'évolution du e-Commerce, de l'hospitalisation en ambulatoire favorisée par l'évolution des techniques, par les équipements en tablettes des étudiants, par la question posée à 120 étudiants de 1ère année de Science Po qui ont exprimé leur volonté de ne pas aller travailler en grande métropole, comme ne le feront pas, non plus, les 40 étudiants de 5ème année pareillement interrogés, du nombre de PME françaises disposant d'un site web –"7% possèdent un site internet pour 87% en Allemagne en 2015" puise-t-il dans ses notes – des pétitions en ligne – "sans vouloir être taquin !" dit-il en évoquant celle mise en ligne contre la fermeture de la trésorerie... Puis il parle des téléprocédures, de la télédéclaration - "la moitié des français qui font des télédéclarations via Impots.gouv.fr" – de la disparition annoncée d'ici deux ans, pour 80% des citoyens, de la taxe d'habitation, de l'impôt à la source en 2019, "alors que l'on sait qu'une partie des gens qui vont à la trésorerie y vont pour le recouvrement et qu'on aura bientôt plus besoin d'aller régler ses impôts dans une trésorerie…".

"Tout cela pour dire, résume-t-il en recadrant son propos sur la problématique de la trésorerie, "que pour moi, l'attractivité des territoires passe par l'arrivée du numérique". Et d'évoquer alors le plan France Très Haut Débit mis en place en 2013 : "L'Etat a déjà dépensé 20 milliard d'euros. Le nouveau Président de la République entend, d'ici 2020, faire que l'ensemble du territoire puisse accéder au moins au haut débit et en 2022 au très haut débit. C'est un engagement extrêmement concret, 15 à 16 milliard d'euros sont mis sur la table" et de conclure : "On est dans une mutation. Beaucoup de français sont convaincus que cette transition numérique va créer beaucoup plus de casse que de créations d'emplois. Ce n'est pas vrai ! En adoptant une vision plus globale, force est de constater que le numérique est là, qu'on le veuille ou non. A nous d'exiger le service public autrement ! Reste le problème de l'humanisation de cette évolution et c'est là qu'il faut garder le contact humain dans l'accompagnement et dans l'apprentissage aux outils numériques et aux procédures".

De nombreux freins dans la salle

"Merci M. le député ; Au moins, c'est franc et massif, on ne peut pas compter sur vous pour défendre la trésorerie de Bégard" en déduit Gérard Le Caër qui laisse ensuite la salle exprimer de nombreux freins : le manque de ressources et la précarité de certaines personnes qui ne peuvent pas s'offrir un abonnement internet ou un ordinateur, qui ne comprennent rien au numérique, le cas de personnes sans voiture qui ne pourront pas se rendre à Guingamp, faute de moyen pour avoir et entretenir une voiture et encore le problème de sécurité lors de transfert de fonds induits par la nécessité de devoir aller à Guingamp. Le représentant syndical de Solidaire Finances Publiques alerte l'assemblée : "sachez que si le travail transféré de Bégard vers Guingamp restera équivalent, le transfert d'emplois, lui, ne sera pas équivalent aux cinq personnes actuelles alors que les collègues de Guingamp ont déjà du mal à assumer ce qu'on leur demande ; Sans parler des coupes budgétaires : nous sommes dans une direction départementale qui depuis plusieurs années, pour clôturer budgétairement chaque exercice, demande une rallonge exceptionnelle de financement à hauteur de 800.000€ et cette année, il n'y aura pas de rallonge budgétaire". Pour son collègue de la CGT, qui s'exprime à propos des permanences, "encore faut-il qu'il y ait des agents… A Belle-Isle-En-Terre, un élu a déclaré que de permanence, il n'y avait jamais eu. Et c'est le cas aussi ailleurs, à Perros et Ploeuc L'Hermitage". Il appelle les élus à la méfiance : "On ne sera pas en mesure d'assurer les permanences systématiquement et en plus, on perd des emplois, 120-130 depuis 10 ans".

"On vous a élu pour défendre les gens, mais vous, allez-vous défendre Bégard ? interpelle une personne dans la salle en s'adressant au député Kerlogot ; En fin de compte, vous êtes venu pour vendre le numérique, pour supprimer Bégard… Est-ce que vous allez faire quelque chose ?". "Très sincèrement l'intérêt d'une telle réunion, répond le député, c'est de me permettre de faire remonter les informations". Il dit entendre les arguments qui ont été avancés, mais il rappelle que la première mission d'un député, c'est de légiférer, de faire des lois, pour contrôler le gouvernement, l'évaluer. "On est élu par circonscription et dans l'idée des gens, on représente une circonscription. Dans la réalité, ce n'est pas tout à fait juste. En revanche, dans nos missions, on doit remonter les informations et là, j'entends ce soir vos observations qui traduisent une inquiétude en termes d'accompagnement humain. Pour autant, je suis élu député d'une circonscription comme les autres où les différents candidats LREM ont défendu un programme dans lequel cette révolution numérique est une politique annoncée. J'entends vos inquiétudes, mais mon rôle est aussi de vous rassurer, même si, comme l'a dit Mme Rouzioux, le numérique ne règlera pas tout et qu'il y a un devoir d'accompagnement" puis de conclure : "Il faut reconnaître que nos comportements évoluent et sans ignorer les personnes âgées ou les collectivités qui ont des inquiétudes sur les services rendus s'ils sont détachés à Guingamp et sans être dans la provocation, il faut savoir que nationalement, 85% des individus ont un accès et utilisent internet à domicile et 9 sur 10 ont un smartphone et l'utilisent pour leurs procédures".

Pour le maire, c'est un tableau assez sinistre…

"On n'est plus dans la réalité des choses, intervient Gérard Le Caër pour terminer cette réunion ; Le tableau dressé par notre Député est plutôt noir et assez sinistre… Il va falloir que dans chaque commune, nos élus prennent des délibérations pour nous soutenir dans cette lutte pour le maintien de cette perception. J'écrirai au Député pour lui faire part de notre demande et éventuellement, mais là j'en doute un peu, de son soutien ; Rendez-vous sera pris auprès du Préfet et on va se battre pour garder notre outil au service des gens. Notre détermination est forte, et malgré tout ce qu'on a entendu, nous ne nous laisserons pas faire. C'est un appel à la résistance, toutes sensibilités politiques confondues… Nous allons faire front, faire valoir ce que nous sommes". Toutes sensibilités politiques confondues ? Ce n'est pas gagné apparemment !

 

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(NDLR : Retour sur les évènements qui ont déjà agité la trésorerie en 2016 : Voir Fermeture de la trésorerie : ça sent le sapin… Michel ! et les articles suivants voir ICI, ICI et ICI).

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