Bon Sauveur – Échange de savoirs et d'expériences en addictologie

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Date de l'évènement: 
Jeudi, 10 Octobre, 2013

 

Le jeudi 10 octobre (2013), à l'occasion de la journée organisée par la SFA (Société Française d'Alcoologie) de l'Ouest, le centre hospitalier de Bégard, représenté en la circonstance par ...

... le docteur René Le Guern responsable du service d'addictologie, a accueilli près de 200 professionnels, exerçant dans le domaine de l'addictologie en qualité de médecins, d'infirmiers, d'assistants ou encore de représentants d'associations d'entraide en rapport avec le sujet : la dépendance aux toxiques. Arrivés la veille, pour certains, car venant des régions Normandie ou Pays de la Loire, ils avaient rendez-vous dès 8h30 dans la salle polyvalente de Bon Sauveur avant de se répartir pour la matinée, dans différents ateliers. Au sein de chacun des 5 ateliers ainsi constitués, ils ont pu échanger sur les pratiques, faire part de leurs expériences, de leurs regrets et de leurs souhaits, tout cela afin de construire une vision prospective de ce qui pourrait conduire à l'amélioration des soins, des prises en charges et de l'accompagnement des personnes dépendantes à un produit et plus particulièrement, pour cette journée SFA, à l'alcool.

Sylvie Le Goas, cadre supérieur de santé en addictologie au Bon Sauveur, brosse le tableau : "Il y a énormément d'accidents sur la voie publique avec les toxiques, et c'est plus compliqué avec l'alcool car celui qui consomme tranquillement, il est toujours sous l'emprise des toxiques sans que personne ne s'en rende compte. Peut-être que s'il ne prenait pas ça, il prendrait des anxiolytiques, des somnifères!? Pour les autres toxiques, on n'a pas encore assez de recul pour savoir quels dégâts cela peut causer. Cela fait 25 ans seulement. On est toujours novices en la matière, notamment au niveau des produits, car tout est détourné".

"Les problèmes d'addiction touchent les personnes de plus en plus jeunes" livre le rapporteur de l'atelier 5 sur "l'évolution des populations en soins, des dispositifs et des pratiques professionnelles". "Ce sont des gens qui rencontrent de grandes difficultés sociales, des difficultés à respecter les règlements. De plus en plus de femmes sont touchées par ce problème". D'après ce rapporteur, c'est une population qui s'enferme, qui a du mal à adhérer aux soins, qui a plusieurs consommations (alcool et drogue par exemple) et qui requiert un diagnostic à la fois en psychiatrie et en addictologie. "La société crée des besoins en terme d'addiction : jeux vidéo, écrans, ordinateurs, téléphones et les addictions sont différentes en fonction des générations" ajoute-t-elle.

"Il faut recréer du lien"

De l'ensemble des ateliers, il ressort un certain nombre d'attentes que ce soit en matière d'accompagnement des patients ou de pratiques professionnelles ou encore d'infrastructures et d'outils. "Il faut recréer du lien, synthétise le rapporteur du groupe 1 réuni autour du thème : "activités de soins à médiation artistique et corporelle", donner l'occasion aux patients de s'exprimer par le corps, par la danse par exemple, de s'affirmer, de susciter l'envie, de s'ouvrir à l'extérieur…". Sur ce point sera citée l'une des spécificités de l'hôpital de Bégard : le pôle STC (Pôle Socio Thérapeutique Culturel) qui intervient avec des gens de compétences diverses, pour créer et animer des activités culturelles à vocation thérapeutique.

Il a été question de l'importance du lien avec le milieu hospitalier, de l'importance des visites à domicile pour mieux comprendre, de l'importance du milieu associatif, du lien avec les familles, les services sociaux, le médecin généraliste. L'écoute du patient a été, comme le lien, source de nombreuses évocations. Le rapporteur du groupe 4 ("La question de l'addiction et d'un travail sur la qualité de vie") précise que "la qualité de vie est une notion subjective, individuelle, sur laquelle on a tendance à projeter notre propre imaginaire, notre expérience personnelle. Il conviendrait donc d'être plus à l'écoute de la définition du patient". Dans le groupe 3 ("Accompagnement des patients présentant des rechutes à répétition"), l'un des participants résume : "le patient est le chef d'orchestre et nous, nous tenons les partitions". Pour les professionnels réunis, la qualité de vie, "c'est source de plaisir pour soi mais pas forcément pour les autres, même si la qualité de vie paraît une valeur sûre dans l'absolu". Plutôt que d'en faire une description, ils s'accordent sur le fait que pour les patients, "voir la qualité de vie s'améliorer chez les personnes abstinentes, par le biais des associations notamment, est en soi une motivation pour entrer en soins. C'est un moteur important". Après s'être interrogés sur les solutions et les façons de faire, la bonne pratique, selon les participants, serait  "de partir des besoins et des envies de la personne, de partir sur leurs valeurs et leurs centres d'intérêt, sur leurs ressources et les inscrire dans le moment présent, avec l'abstinence comme moyen et non comme objectif, avec l'abstinence comme une expérience qu'il faut essayer".

La rechute fait souffrir patients et soignants

"L'abstinence est-elle vraiment le but recherché" interroge le groupe 3 ("Accompagnement des personnes présentant des rechutes à répétition"). "Le but à atteindre ne serait-il pas plutôt le bien être du patient, l'amélioration de sa qualité de vie et la préservation du lien" Pour ce groupe, il faut dédramatiser la rechute. Pour la personne, c'est une souffrance, une culpabilisation. Pour les soignants, c'est lié au problème de l'adhésion aux soins, au manque de temps, aux sorties insuffisamment préparées, à un dispositif peut-être insuffisamment performant "comme une chaine dont les maillons ne seraient pas en lien, pas accrochés l'un à l'autre". "Mais, toujours selon le rapporteur du groupe 3,  la rechute fait partie du processus de guérison, peut amener à une prise de conscience". Hormis cet aspect de la rechute, les problématiques des soignants sont aussi liées aux infrastructures, à la formation, "au sentiment d'incapacité à pouvoir faire évoluer les choses". "Dans le groupe, explique le rapporteur du groupe 2 ("Accompagnement des patients présentant un déficit cognitif ou une perte d'autonomie"), on a évoqué la pathologie avec troubles de la mémoire, non reconnaissance de ces troubles par le patient et comportements qui expliqueraient sa difficulté d'intégration. Cela nécessite une prise en charge multidisciplinaire : alcool et troubles neurocognitifs et l'on n'est pas toujours très formé ni outillé. Il y a un manque de structures d'hébergement , notamment en Bretagne; On a l'impression qu'il y a beaucoup plus de structures d'hébergement dans le nord de la France pour la prise en charge de ces patients Korsakoff (NDLR : patients présentant d'important troubles de la mémoire accompagnés d'une désorientation spatio-temporelle, de fabulation…).

De l'importance du suivi

De tous ces travaux ressort l'importance du suivi "psychologique surtout car souvent, il y a des traumatismes derrière". Pour les participants, il faut mettre en avant certaines ressources telles que les hospitalisations programmées, les hospitalisations séquentielles, le lien avec le généraliste, les assistantes sociales et les associations, la permanence téléphonique, les prises en charge en contexte dégradé – familles en danger, enfants en danger - et la formation en local afin de connaître les différents partenaires, les traitements de substitutions "plus ou moins connus, plus ou moins efficaces". Pour mieux comprendre, pour améliorer le suivi des patients, les équipes mobiles qui interviennent sur le terrain sont une ressource primordiale selon les groupes. Enfin, cette journée a mis, ou peut-être remis, en lumière les difficultés côté patients tel l'isolement socio-culturel qu'amène une grande consommation de toxiques et côté soignants, la nécessité de tolérance, l'épuisement professionnel, sentiment d'impuissance et le manque de temps. "En 10 jours de pré-cure, il est difficile de faire quelque chose d'approfondi, de fouillé".

Un dispositif en addictologie complet au Bon Sauveur

En fin d'après-midi, après les interventions du docteur Claude Vedeilhe (CH Guillaune Régnier), de Mme Mélanie Coquelin, psychologue au CH Bégard, du docteur H. Le Blais, tabacologue au CH Bégard et du docteur Yannick Le Blevec, secrétaire du GAO (Groupe d'Alcoologie de l'Ouest),  les participants ont été invités à une visite de l'hôpital de jour en addictologie. Ouverte depuis début septembre, cette structure qui peut accueillir, sur une durée de deux mois, jusqu'à 10 patients, a la vocation de prodiguer des soins polyvalents et individualisés, à la journée et parfois en temps partiel, comme une alternative entre le soin résidentiel et le soin ambulatoire.

"Ce sont pour la plupart du temps des patients suivis depuis longtemps et souvent en rechute. Les soins sont basés sur des entretiens et des ateliers variés qui s'inspirent des projets individuels des patients, de leurs objectifs" explique Anita Alexandre, infirmière de l'hôpital de jour. "Actuellement, ils participent à un atelier photo qui se conclura par une exposition, et ça les passionnent" ajoute-t-elle.

L'équipe est constituée de 5 infirmières : Anita Alexandre, Chantal Antoine, Anne Le Blevennec, Sylvaine Bouget et Rosenn Graviou, dont 2 à temps partiel. L'équipe est complétée de Claudine Jaguin qui assume l'accueil du matin. De 9h à 16h30, le travail des soignants est de reconstituer le lien social rompu par l'addiction (alcool, drogue, médicament et tabac associé), de les réinscrire dans le quotidien – heures de repas, heures de sommeil, hygiène de vie – et de les aider à gérer le temps en dehors de la structure médicale. Ils sont vus une fois par semaine par le docteur Christina Lupascu et une psychologue (extérieure) est présente tous les vendredis. 

L'hôpital de jour en addictologie complète le dispositif du centre hospitalier du Bon Sauveur en la matière, dispositif constitué de la clinique d'addictologie (30 lits) pour les pré-cures de sevrage simple et les cures de sevrages complexes, le nouvel hôpital de jour, l'Équipe Hospitalière de Liaison en Addictologie (EHLA) qui intervient dans les hôpitaux de Généraux de Lannion, Paimpol et Guingamp et le Centre de Soins, d'Accompagnement et de Prévention en addictologie (CSAPA) qui est un lieu d'accueil, d'écoute, de soins et d'orientation et qui permet, au sein des hôpitaux généraux précités, de recevoir (sur rendez-vous), anonymement et gratuitement des personnes désireuses d'engager une démarche de soins en alcoologie.

C'était la troisième fois que l'hôpital du Bon Sauveur à Bégard accueillait la journée de l'addictologie. Ce fût une journée riche d'enseignements.

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