Fox beagling in Bégard

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Date de l'évènement: 
Dimanche, 16 Novembre, 2014

Dimanche 16 novembre (2014), la rédaction de BVonline avait décidé de faire connaissance avec un monde qui lui était étranger : la chasse ! Au cours de ce voyage en terre inconnue, nous avons rencontré cinq hommes passionnés, partageant des valeurs de respect vis-à-vis de l'animal et des terres qu'ils foulent ...

... au gré de leurs pérégrinations cynégétiques. "On est habitué à chasser ensemble" explique Alain Samson, le directeur des services techniques de la commune en parlant de Jean-Claude Dauphin, le directeur du Foyer Logements, de Christian Kerello, de Christian Morvan et de son fils David. Tous sont membres de la société de chasse de Bégard, association présidée par Jean Perrin, qui regroupe 67 adhérents chasseurs et qui propose durant l'année, des moments de rencontre entre chasseurs et agriculteurs, notamment lors du vide-grenier et du cochon grillé de Trézélan où sont invités les propriétaires de terres. "Sans eux, on ne chasserait pas. Il faut être clair : ils n'autorisent pas, on ne chasse pas" précise Alain Samson.

Une meute de dix chiens créancés

En cette matinée dominicale ensoleillée, notre équipage chasse le renard, aidé en cela par la meute de Christian et de David Morvan. Dix chiens de race beagle harrier. "Depuis 1991, on s'est spécialisé et nous sommes désormais quelques-uns dans la région – trois ont suivi sur Bégard - à avoir une meute de chiens créancés" explique David Morvan. (NDLR : un chien créancé est un chien qui ne chasse qu'un seul animal). "La société de chasse de Bégard limite les équipages de chiens à 15 têtes" précise Jean-Claude Dauphin. "Au-delà, une trop forte densité de chiens peut gêner les agriculteurs et les troupeaux". Ils ont entre un an et demi et huit ans. Ils s'appellent Dragon, Cendrillon, Bermudes, Brutus, César, Baroudeur, Ipso (?), Istar (?), Aslan et Jenny (?) "On va sortir neuf chiens ce matin, Jenny n'est pas en forme, elle est victime des tiques, maladie de lyme" précise Christian Morvan qui poursuit : "s'ils savent qu'on va chasser ? Le matin en intersaison, on peut venir dans la cour à huit heure du matin, il n'y a pas un seul bruit. Mais au mois de septembre, à l'ouverture, à 8h30, tout le monde s'agite de l'air de dire : Alors ? On y va ? On se demande s'ils n'ont pas un calendrier dans la tête avec les dates d'ouverture de la chasse". De la chasse au renard en ce qui les concerne. Parmi eux, deux jeunes chiens sont en première année d'apprentissage. Ils ont un collier avec un petit boitier. "C'est un collier de dressage, explique Christian Morvan. C'est pour éviter qu'ils partent sur le chevreuil. S'ils le font, ils reçoivent un avertissement, voire une petite châtaigne. Mais ce n'est pas pour autant un engin de torture".

L'homme sait de quoi il parle. Christian Morvan est le référent de l'équipage. Il est lieutenant de louveterie. Nommés par le Préfet, les lieutenants de louveterie sont des agents bénévoles et assermentés, conseillers techniques de l'administration en matière de régulation de nuisibles et en charge de l'abattement des animaux sauvages atteints de la rage. Il a un rôle de conciliateur avec le monde agricole; Il régule les nuisibles et plus particulièrement les sangliers, les renards, les lapins, les blaireaux, les pies, les corneilles, les cormorans. Les premiers lieutenants de louveterie ont été nommés par Louis XI (1471). Lui… Christian Morvan… c'est plus récent !

La chasse… c'est du sport !

Pas parfumés, pas fumants - "C'est très déconseillé" a expliqué Alain Samson – l'équipage embarque vers la chapelle de Lanneven. La première "menée" se déroule sur les terres fraichement labourées situées au nord-est de la station d'épuration de Lanneven. Les chiens sont lâchés à Pluscoat Bihan suivis par Christian et David Morvan. Les trois autres chasseurs sont en avant, sur le circuit de fuite du renard, du côté de Convenant Fallégant (NDLR : Sous toutes réserves… un peu paumé sur ce coup !). Accompagnant Alain Samson, le premier constat qu'il nous faut faire, c'est que la chasse, c'est sportif. Les sillons sont profonds, la terre est molle et lourde et les bottes, telles des engins de carottage, s'obstinent à vouloir prélever et garder des échantillons. Alain Samson fait remarquer des traces de chevreuil. Quelques instants plus tard, l'un d'entre eux prend la fuite à travers champ. Les chasseurs l'ont admiré. Les chiens ne l'ont pas suivi. Ils se rapprochent en jappant, en reniflant les taillis. Ils vont. Ils viennent. Ils repartent, truffe au sol, à la recherche d'une odeur de goupil. Nous quittons le champ et traversons la route. Les chiens se précipitent dans un bosquet. Nous nous positionnons en lisière du bosquet. Toujours le va et vient des chiens; Tout à coup, c'est la folie : les chiens aboient rageusement. Un renard ? On voit sortir un animal… un sanglier ? Non. Il passe devant nous, revient sur ses pas pour retourner dans le bosquet. Il évite les chiens qui le suivent et semblent le perdre à l'endroit de sa volte-face. Les chiens retournent dans le bosquet; PAN ! PAN ! Et peut-être encore PAN ! (?) Trois coups de corne suivi du rigodon… mais ce n'était pas un renard. Christian Kerello, après avis pris auprès de Christian Morvan, a abattu… un blaireau ! Sans le vélo.

Nous n'avons pas parlé de la corne ! Chaque membre de l'équipage en est muni. C'est le moyen de communication entre eux, mais aussi avec les chiens. Son usage est codifié… du moins au sein de l'équipage : trois coups courts signifient qu'un renard a été vu. Trois coups courts suivis de trois séries de trois coups brefs, genre : teu-teu-teu, teu-teu-teu- teu-teu-teu – c'est le rigodon – il est mort. Pour le blaireau… on ne sait pas !

La deuxième menée aura lieu du côté de Crec'h Allain. Pas de renard en vue, malgré un parcours du combattant - ronces, enchevêtrements de branches basses, racines piégeuses, entrelacs de végétations… Au point de rassemblement, après avoir attendu longuement le retour de César, l'indépendant de la meute, et de Christian Morvan partit à sa recherche à coups de cornes (un coup pour se signaler), l'équipage se rend vers Park Ar Moal (étang de Poulloguer). "Il y a toujours un moment dans la saison, juste après la coupe du maïs, où César est un peu perdu et individualiste. Il faut dire qu'il n'a pas son pareil pour chasser dans les maïs" explique David Morvan. À Park Ar Moal, Christian Kerello dont c'était incontestablement le jour de chance abat un renard qui avait anticipé largement la poussée des chiens. Si ces derniers auront finalement bien senti et suivi sa trace, c'est mort qu'ils vont le trouver et il faudra à Christian Kerello donner de la voix pour calmer leurs ardeurs… et peut-être leur frustration, qui sait ?

Au bois des Amoureux (sic !), la corne retenti d'un coup long. Il est midi passé; C'est la fin de la partie (NDLR : Le coup long, c'est pour la fin de la battue, pas pour midi !).  Tableau de chasse : un blaireau et un renard. Les bêtes seront congelées puis elles iront à l'équarrissage.

"On n'est pas malheureux quand le renard est loupé"

Avant de se séparer, interrogés sur ce qui les motive, les chasseurs répondent alternativement : "C'est la manière dont le renard se défend. C'est un animal malin". "C'est une chasse sportive où le chien doit avoir de la passion car il faut aller le chercher, le renard…".  "La menée donne des émotions… mais on n'est pas malheureux quand le renard est loupé". "S'il n'y avait pas une politique de destruction du renard mené au niveau du département, on en laisserait plus passer, on tirerait moins". "Nous défendons la chasse traditionnelle du renard avec chien et cérémonial alors que notre fédération a décrété que l'animal était responsable de tous les maux et que c'était un nuisible hors norme".

D'après Christian Morvan, "sur le territoire de Bégard, une saison sans chasse au renard, c'est 50 à 60 renards de plus la saison suivante. À une époque, il y a une vingtaine d'année, nous avions une prime pour les renards tués et il s'en tuait 90 sur la commune. Aujourd'hui, on en fait moins et beaucoup de renards vivent dans les buses. Nous, nous n'envoyons pas les chiens dans les buses, nous n'avons pas cette politique. Il s'est logé dans sa maison, on le respecte". "On sait très bien que l'on pourrait faire du nombre mais ce n'est pas notre tasse de thé. Il faut une régulation, certes, mais sans faire de concession au mode de chasse que l'on a choisi… et on pense qu'on a raison" conclut David Morvan.

Ce fût une matinée ensoleillée et fraiche. Les nuages arrivent maintenant. Il est 13h. L'équipage est crotté et pour ceux qui ont plein de clichés en tête : nous n'avons pas bu un seul coup … mais personnellement, je mangerais bien un morceau. La chasse… ça creuse !

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