Le parcours d'Anne Le Mée : l'art bienfaiteur

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Date de l'évènement: 
Samedi, 4 Mai, 2013

Il ne reste que quelques jours pour parcourir les œuvres d'Anne Le Mée. Lundi 20 mai (2013) sera le dernier jour pour s'imprégner des sensations ...

... que délivrent "Rivière" (Le Palacret), "Cloche Anéchoïque" et "Pulsation" (Fondation Bon Sauveur) et "Gastrula" (La Tannerie), car il s'agit bien de sensations plus que de représentations figuratives (ou non) de choses concrètes, que proposent ces œuvres réunies sous le vocable "Eosphères".

À propos de "Pulsation", Anne Le Mée commente : "Je savais que cette forme induirait quelque chose au niveau du cerveau. Comme souvent, dans mon approche de la sculpture il y avait un intérêt pour la forme géométrique et cette forme est une forme mathématique. Elle est inspirée du pont "Einstein Rosen" (1) qui est la forme qui permettrait de passer d'un trou noir à un autre trou noir. Comme je l'ai développée ensuite de façon empirique, j'ai modifié la courbe : ce ne sont pas des ronds parfaits, ce sont des ovales et ces formes induisent un effet sur la sensation corporelle, kinesthésique et sur la perception de l'espace global". Lié à un travail sur la baie de Saint-Brieuc que l'artiste a parcouru pendant un an, elle a voulu rendre la sensation d'immersion, c’est-à-dire reproduire une sensation plutôt qu'un paysage. On entend des sons qui viennent de la baie de Saint-Brieuc, petits crustacés et crustacés plus gros, sons de balade et sons de diapasons qui produisent les basses fréquences. "Ces sons proviennent de diapasons thérapeutiques utilisés pour réaligner les os dans certaines pratiques ostéopathiques, en Allemagne notamment, et du coup cela fait vibrer le bois et de fait, le son a une interférence sur le psychisme" explique Anne Le Mée.

Mises en lumière à la Fondation avec l'aide d'une trentaine de patients de l'hôpital de jour, les œuvres "Cloche anéchoïque" et "Pulsation" ont fait l'objet d'observations de la part de Marine Deniau, psychologue à la fondation. Sébastien Gobron, coordinateur culturel de la Fondation Bon Sauveur, rapporte : "Elle a fait le lien avec les structures snoezelen (2). Elle voulait travailler avec les patients sur le lâcher-prise. Ils sont venu voir "Pulsation". Ils l'ont appelé le cocon, ils ont fait un lien avec le ventre maternel. Ils ont été très sensibles aux sons. Très apaisés sur les sons d'eau, les aigus et les petits sons. En revanche, ils ont eu des montées d'angoisse sur les sons plus graves, mais aucun n'est sorti de "Pulsation", ils attendaient que les sons d'eau reviennent". Toujours selon la psychologue, pour la "Cloche anéchoïque" cela a été plus compliqué. C'était plus angoissant. L'un des patients est entré et ne pouvait plus en sortir, ou plutôt n'osait plus en ressortir. Certains patients préféraient aller dans la cloche que dans le cocon. "Il y avait le clan de la cloche et le clan du cocon. Personnellement, je préfère la cloche" confie Sébastien Gobron puis de poursuivre : "Ce fut pour la psychologue une occasion de travailler avec les gens dans un autre contexte, un moment hors du commun et de se mettre dans le même bateau qu'eux".

Revenant sur la genèse de cette exposition, Véronique Vauvrecy, responsable arts plastiques à Itinéraires Bis, explique que l'idée d'inviter un même artiste sur trois lieux s'est imposée lors du bilan de l'an passé où avaient été invités Nikolas Fouré et Wanda Skonieczny (ICI). "En revanche, il fallait une personne avec une grande qualité humaine pour la résidence à Bon Sauveur puisqu'il s'agissait, comme avec Nikolas Fouré l'an passé, de faire travailler les patients avec l'artiste et tous les artistes ne peuvent pas s'adapter à cette situation". Sébastien Gobron confirme : "Pendant la période de montage de "Pulsation" avec les techniciens d'Itinéraires Bis et les patients de l'hôpital de jour de Bégard, il a fallu assembler le puzzle. C'était un travail ambitieux artistiquement et techniquement et Anne a su transmettre et accueillir les patients. Elle a réussi à simplifier les choses et à intégrer les patients dans le projet. Le montage était complexe, parfois pointu mais tout le monde y a trouvé son compte. Parfois ils étaient nombreux, donc certains regardaient, mais l'important c'est qu'ils étaient là". La "Cloche anéchoïque" est une création; La structure porteuse existait mais il a fallu faire les finitions : vissage, ponçage, vernissage, cloutage, découpe, peinture. Ce sont au total plus de trente patients de cinq services différents et des ados de l'hôpital de jour de Guingamp qui ont participé à cette "aventure artistique". "Les ados ont besoin qu'on leur confie des responsabilités, qu'on leur donne des outils de grands; Ils étaient super contents" confie Anne Le Mée.

Pour la Fondation Bon Sauveur, c'est la deuxième année de partenariat avec Itinéraires Bis. "Un partenariat de qualité artistique et pédagogique auquel on tient beaucoup" dit Sébastien Gobron. C'est aussi un partenariat sur le territoire avec Le Palacret et La Tannerie. "La Fondation a compris l'importance de ce type de rapport, la richesse de ces rencontres avec un artiste", expose Sébastien Gobron. Pour eux, explique-t-il, ce sont des moments hors du commun, hors du temps. Ce sont des bouffées d'air. "Cela a du sens. Dans le quotidien des patients, il y a beaucoup d'errance, Or, ce jour-là, tu sais que tu vas te lever, te laver, te booster pour aller faire un truc, passer un après-midi ou plus pour faire quelque chose d'inhabituel et de beau, pour entrer en contact et s'adresser à quelqu'un que l'on ne connait pas. Ce sont des rencontres riches et curieuses". Parmi les questions les plus courantes alors posées - Pourquoi tu fais ça? Pourquoi tu fais des trucs comme cela toute ta vie? C'est quoi un artiste? Comment tu vis? – certaines, comme "Pourquoi tu fais cela?" n'ont pas toujours de réponse de l'aveu même d'Anne Le Mée : "Je ne peux pas répondre à cette question. Je me la pose parfois, surtout lorsque ça ne va pas".

En conclusion, Véronique Vauvrecy rassure : "Cela fait partie de nos objectifs à Itinéraires Bis d'avoir des artistes dans des lieux ou l'on ne s'attend pas à les trouver et d'attirer un autre public vers l'art". Selon elle, "la synergie entre les trois lieux est plus opérante, plus bénéfique que l'an passé du fait que c'est un même artiste. Chaque lieu profite à l'autre".

 

(1) Pour plus d'informations sur le pont "Einstein Rozen" : http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/physique/d/singularites-trou-de-ver-et-voyage-spatio-temporel_614/c3/221/p4/

(2) Pour plus d'information sur le snoezelen : http://fr.wikipedia.org/wiki/Snoezelen

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